Envoyé spécial à Marseille (Bouches-du-Rhône),

À Marseille, la France insoumise joue la carte du rassemblement. Parmi les quelque 250 intervenants aux tables rondes de ses «AmFis» d’été, le mouvement s’est appliqué à recevoir des personnalités politiques d’horizons divers. Dans la liste des invités, des communistes, des membres de Génération-s, des socialistes mais aussi, plus étonnant, deux élus des Républicains: les députés Marianne Dubois et Olivier Marleix.

Heureux de pouvoir faire «vivre le débat d’idées» au sein de leurs universités d’été, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon se targue aussi de prouver qu’il peut rassembler à lui seul l’opposition face à Emmanuel Macron. «On montre que c’est chez nous que ça se passe. Les gens viennent à nous. C’est une démonstration de force», estime un député Insoumis. Ravis d’avoir pu attirer deux élus LR dans leur sillon, les hôtes insoumis ont tenu à choyer leurs invités.

«Un honneur» pour les Insoumis

«C’est un honneur pour moi d’être à la même tribune qu’une députée Les Républicains», approuve, sourire aux lèvres, le député insoumis Alexis Corbière en introduction du débat sur le service universel obligatoire. Applaudissements nourris des militants présents dans la salle. «Quand on est passionné sur un sujet qui nous passionne, cela vaut le coup de venir en débattre», estime Marianne Dubois, opposée au projet du gouvernement et à l’initiative d’un rapport parlementaire sur le service universel. Peu médiatisée, l’élue LR, qui a suspendu ses vacances en Bretagne pour être présente vendredi à Marseille, s’avoue étonnée par le nombre de caméras, intriguées par sa venue.

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Samedi en début d’après-midi, son collègue Olivier Marleix prend la relève. Au programme, une conférence sur «Alstom, un scandale d’état». Là aussi, l’invité des Républicains a bien été ciblé: le député conduit la commission d’enquête sur la vente de l’entreprise General Electric. Très à l’aise, l’élu déroule, sans s’arrêter, faisant part de son agacement quant à la gestion d’Alstom par Emmanuel Macron. «Bon, je vais m’arrêter là car sinon je vais recevoir des tomates.» «Tu remarqueras qu’on sait se tenir», lui répond complice Bastien Lachaud.

«Nous conservons nos désaccords»

«Nous pouvons nous rapprocher sur certains points pour lutter contre le gouvernement, mais nous conservons évidemment nos désaccords qui sont importants»

Éric Coquerel

Alléchants sur le papier, les débats entre les députés LR et leurs homologues Insoumis se sont fait attendre. Que ce soit sur le service national universel ou la vente d’Alstom, les élus des deux bords se retrouvent dans leur opposition à Emmanuel Macron. Seules les propositions des deux camps respectifs pour corriger l’exécutif rappellent leurs divergences politiques. «Contrairement aux Insoumis, je ne pense pas que le socialisme soit la solution. Je pense au contraire qu’il faut renforcer et protéger la mondialisation.» «Nous pouvons nous rapprocher sur certains points pour lutter contre le gouvernement, mais nous conservons évidemment nos désaccords qui sont importants», souligne Eric Coquerel. «C’est intéressant de recevoir des élus de l’opposition. Nous pourrions nous entendre dans l’avenir pour contrer Emmanuel Macron», espère une militante.

Une venue étonnante, mais sans encombre donc. D’autant que les discussions se sont parfois éloignées des thèmes à l’origine des conférences. Sur le service national, les tensions ont par exemple pu se cristalliser autour de l’intérêt de Parcours Sup. Les jeunes militants insoumis raillaient la position «trop macroniste» de Jimmy Losfeld, président de la FAGE, syndicat étudiant réformiste, également présent. «La conférence a parfois pris une tourne un peu trop politique, regrette l’élue LR. Certains jeunes m’ont semble un peu à côté de la plaque».

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Contrairement à celle du PS, un peu agacée de voir le député Boris Vallaud et le député européen Emmanuel Maurel prendre le micro à Marseille, la direction des Républicains ne s’est pas montrée hostile à l’intervention des siens chez les Insoumis. «C’est une décision personnelle qui n’engage pas le parti mais qui a le mérite de faire vivre le débat républicain», glisse un cadre depuis la rue de Vaugirard. Le match retour est donc envisageable aux universités de LR? «Pourquoi pas?» glisse Bastien Lachaud devant les caméras. «Il faut voir dans quelles conditions. Ca peut-être piegeux… Franchement, je ne sais pas», reconnaît, un peu moins emballé, Alexis Corbière. L’union de l’opposition aura été de courte durée. Les «AmFis» terminées, LR et Insoumis repartent chacun de leur côté. La preuve: Olivier Marleix sera dimanche au Mont Mezenc. Cette fois-ci, aux côtés de Laurent Wauquiez.