Simara sort doucement par la trappe. À pas feutrés, elle fait un tour de reconnaissance de l’enclos. La voie est libre, aucun danger n’est à signaler. La jeune mère peut donc aller chercher ses deux petites, Lenca et Aloha. Un peu timides, les bébés se font attendre. Il faut les comprendre: c’est leur première sortie en public. Simara, Lenca et Aloha forment une famille de jaguars, dont les deux plus jeunes membres sont nés le 7 juillet à Vincennes au Parc Zoologique de Paris, site du Muséum national d’Histoire naturelle. Deux naissances rares, étant donné la stricte régulation européenne de la population de jaguars. Et ce n’est pas le seul heureux événement qu’a connu le zoo de Vincennes cet été: en juin, ce sont trois fossas qui ont vu le jour. Moins connus du grand public, ces animaux ressemblent à un croisement entre la loutre et le chat.
Des carnivores de Madagascar
Âgés de bientôt 3 mois, les trois petits fossas sont en pleine santé et déjà bien éveillés. Hyperactifs, ils courent, jouent, bondissent et grimpent comme des singes aux arbres. Cette agilité et ces talents d’escalade en font un chasseur redoutable. «C’est le carnivore suprême de Madagascar», déclare Jean-Yves Lavaud, soigneur et responsable du secteur Madagascar-Guyane du zoo. Le fossa est une espèce vivant uniquement au sein de l’île malgache – on dit qu’elle est endémique. C’est un féliforme, mais pas un félin: l’espèce appartient à la famille des Eupléridés, avec les civettes et les mangoustes malgaches. «Des quatre carnivores natifs de Madagascar, le fossa est le plus grand et le plus gros», complète Alexis Lécu, vétérinaire et directeur scientifique du Zoo de Vincennes. Le mammifère mesure environ 1,20 m de longueur et pèse entre 10 et 13 kilos. Ses proies de choix sont les lémuriens, mais il se nourrit aussi d’oiseaux et de rongeurs.
Zoo de Vincennes : trois bébés fossas découvrent leur enclos – Regarder sur Figaro Live
Deux couples de fossas dans toute l’Europe
La naissance de fossas est un événement exceptionnel car il en existe très peu en captivité. «Il n’y a que deux couples de fossas dans toute l’Europe», explique Alexis Lécu, «et c’est un challenge de les faire se reproduire car les chaleurs ne durent que 4 ou 5 jours par année». En dehors de cette courte fenêtre, les fossas sont très agressifs les uns envers les autres. L’espèce vit solitairement, et si deux de ses congénères se croisent, alors la guerre est assurée. «Même les saillies sont spectaculaires», sourit le vétérinaire, «et peuvent durer des heures». À l’inverse, la grossesse de Zanahary, la maman fossa, a été très courte: moins de 50 jours, soit le temps de gestation le plus court jamais enregistré en captivité.
L’un des petits fossas du zoo de Vincennes F-G Grandin, MNHN
Menacée par la déforestation que connaît Madagascar, la population de fossas a fortement diminué. Elle est classée «vulnérable» par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). «Il n’en reste qu’environ 2500 sur l’île», estime Alexis Lécu, «donc chaque fossa est important».
À quelques pas des fossas, dans l’enclos des jaguars, Simara s’occupe de ses deux filles. Un coup de mâchoire, et elle en saisit une par le cou pour l’aider à se déplacer. Un coup de langue, et elle nettoie soigneusement la deuxième. «On avait peur que ça ne se passe pas bien, car c’était sa première portée», confie le vétérinaire, «et on a déjà vu des félins manger leurs petits ou les rejeter». Mais la jeune jaguar, âgée de 5 ans, montre un instinct maternel qui ravit les soigneurs.
Naissance de jaguars et fossas au zoo de Vincennes – Regarder sur Figaro Live
Cette année, seuls 8 zoos ont eu l’autorisation de faire se reproduire des jaguars. En effet, leur reproduction est encadrée par des plans d’élevage européens. «Ce contrôle permet de garder une bonne diversité génétique et d’éviter la surpopulation», explique le directeur scientifique. Les deux membres d’un couple sont donc choisis avec soin pour éviter la consanguinité et assurer une diversité de la population. «Cela permet d’avoir des jaguars plus ou moins petits, de couleurs différentes, etc. À l’image de ce qu’on peut avoir dans le milieu naturel», souligne-t-il. Comme les bébés fossas, les deux petits jaguars ne resteront qu’un an ou deux au Zoo de Vincennes avant de rejoindre un autre parc.