Pris la main dans le pot de confiture en flagrant délit d’entorse au régime que vous vous étiez imposé, le rouge vous monte rapidement aux joues. Rien de plus banal: les vaisseaux sanguins superficiels peuvent se contracter ou se dilater en fonction des émotions que l’on exprime. Lorsqu’on a peur, notre peau blanchit. MAis elle rougit si l’on a honte ou que l’on est excité par exemple.
On a longtemps considéré ce désagrément comme le propre de l’homme. Mais ce n’est pas le cas: certains animaux aussi rougissent. Et pour la première fois, des chercheurs l’ont documenté scientifiquement pour des oiseaux, plus précisément des aras bleus et jaunes, de grands perroquets amazoniens. Des scientifiques de l’Inra et les équipes du Zooparc de Beauval ont démontré que ces oiseaux, dépourvus de plumes sur une partie des joues, réagissaient à certaines émotions en rosissant. Ils publient le résultat de leurs travaux dans la revue PLOS ONE.
» LIRE AUSSI – Mais pourquoi les oisillons quittent le nid?
«On avait déjà pu constater des changements dans la couleur de peau de certains animaux,» explique, Aline Bertin chercheuse au laboratoire Physiologie de la Reproduction et des Comportements (Inra, Cnrs, IFCE, Université François Rabelais de Tours) et première auteure de l’article. «Mais c’est la première fois qu’on arrive à le démontrer scientifiquement.» Les oiseaux sont démunis de muscles sur la face, ce qui rend l’expression de leurs émotions plus difficile à observer. Certains oiseaux gonflent leurs plumes, dressent leur crête ou, comme le paon, font la roue. «On savait déjà caractériser les émotions négatives comme la peur», continue la chercheuse. «Notre but était de chercher des indicateurs d’émotions positives.»
Les observations ont été menées avec des perroquets du Zooparc de Beauval, entraînés quotidiennement par des soigneurs pour le spectacle en vol libre, et donc en contact étroit et dans une relation de confiance avec l’homme. «Nous avons étudié trois zones particulières où les plumes peuvent se dresser de manière indépendante sur la nuque, la calotte au-dessus de la tête et sur les joues,» détaille Aline Bertin. «On a aussi des changements de couleur de la peau qui est initialement blanche et dénudée de plumes.»
Un moyen de communication avec l’extérieur
L’expérience consistait à observer les oiseaux lors de sessions composées de deux phases. Dans un premier temps, le soigneur place l’oiseau sur un perchoir et se tient face à lui: il interagit en le regardant et en lui parlant. Dans un second temps le soigneur reste à la même distance de l’oiseau mais n’interagit plus, lui tournant le dos. Ces phases ont été répétées 10 fois pour chaque oiseau.
Sur la calotte, les plumes des perroquets se redressent plus fréquemment dans les moments d’interaction. De la même manière, les photographies prises tout au long de chacune de ses sections montrent une coloration évidente de la face lors de l’interaction. «ces paramètres indiquent probablement une émotion positive chez les oiseaux ,» explique Aline Bertin. «Quand le soigneur leur tournait le dos, les oiseaux cherchaient à attirer à nouveau son attention, ce qui montre que l’interaction avec le soigneur était vécue de manière positive.»
Redresser les plumes de leur crête, ou rougir sont avant tout un moyen de communication avec l’extérieur. «On a tenté une expérience similaire avec la caille japonaise,» complète Aline Bertin. «Ces oiseaux ont des plumes sur les joues, donc ne peuvent pas rougir. Mais on a constaté que leurs pupilles se dilataient et que les plumes de la calotte se redressaient aussi dans un contexte positif.»
Ces réactions physiologiques involontaires ne sont pas réservée aux humains. Entre eux, les oiseaux interagissent aussi de la même manière. «Dans leur milieu naturel ils reproduisent certainement ce genre d’expressions dans divers contextes», conclut la chercheuse. «Mais c’est certain que des oiseaux sauvages ne marquent pas d’attachement avec les humains. Ceux que l’on a étudiés sont particulièrement bien habitués à notre présence.»