En visite en Irlande, où il était très attendu sur la question de la pédophilie, le Pape François a rencontré samedi, pendant une heure et demie, huit victimes irlandaises d’abus commis par des membres du clergé, des religieux et des personnes au sein d’institutions catholiques. Parmi elles se trouvaient deux figures de la lutte contre les abus de l’Église dans le pays, Marie Collins et Paul Redmond. Ce dernier, né dans une des institutions de mères célibataires gérées par l’Église, adopté à l’âge de 17 jours, a déclaré que la rencontre avait été cordiale et que le Pape avait une nouvelle fois présenté ses excuses pour les abus survenus dans ces «Mor and Baby Homes». Marie Collins, une septuagénaire irlandaise, fut, elle, victime à 13 ans de tels sévices infligés par un prêtre pendant qu’elle séjournait dans un hôpital.
Parmi ces huit personnes se trouvait également une victime, désirant rester anonyme, du prêtre catholique Tony Walsh, qui a fait subir des sévices sexuels à des enfants près de deux décennies durant avant d’être défroqué et emprisonné. Le père Patrick McCafferty, également reçu par le pape, a été agressé lorsqu’il était séminariste dans les années 1980, tandis qu’un employé de la ville de Dublin, Damian O’Farrell, a subi des sévices sexuels à l’âge de 12 ans, selon les médias irlandais.
«Crimes ignobles»
Un peu plus tôt dans la journée, François avait évoqué, à Dublin, sa «honte» et sa «souffrance» face à «l’échec des autorités ecclésiastiques» pour affronter de manière adéquate les «crimes ignobles» du clergé dans le pays. «L’échec des autorités ecclésiastiques – évêques, supérieurs religieux, prêtres et autres – pour affronter de manière adéquate ces crimes ignobles a justement suscité l’indignation et reste une cause de souffrance et de honte pour la communauté catholique. Moi-même, je partage ces sentiments», avait-il ajouté devant les autorités politiques et civiles irlandaises peu après son arrivée dans le pays.
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Peu avant, le premier ministre irlandais Leo Varadkar avait appelé le pape à user de sa «position» et de son «influence» pour faire en sorte que «justice» soit rendue aux victimes d’abus commis par des ecclésiastiques dans «le monde entier». Les dirigeants de l’Église catholique irlandaise sont notamment accusés d’avoir couvert des centaines de prêtres soupçonnés d’avoir commis des abus sexuels sur des milliers d’enfants pendant plusieurs décennies. «Je ne peux que reconnaître le grave scandale causé en Irlande par les abus sur les mineurs de la part des membres de l’Église chargés de les protéger et de les éduquer», a commenté le pape, qui a eu une pensée particulière aussi pour «les femmes qui dans le passé ont subi des situations particulièrement difficiles».
«Je souhaite que la gravité des scandales des abus (…) serve à souligner l’importance de la protection des mineurs»
Plusieurs enquêtes ont notamment révélé l’ampleur des pratiques d’adoptions illégales d’enfants nés de femmes non mariées, réalisées par l’État irlandais avec la complicité de l’Église catholique. Le pape argentin a fait référence à son prédécesseur Benoit XVI, qui avait écrit en 2010 une lettre à tous les catholiques irlandais, reconnaissant la responsabilité de l’Église dans les abus commis en Irlande. «Son intervention franche et résolue continue à servir d’encouragement aux efforts des autorités ecclésiales pour remédier aux erreurs passées et adopter des règles rigoureuses visant à assurer que cela ne se reproduise pas de nouveau», a-t-il estimé.
«L’Église en Irlande a joué, dans le passé et le présent, un rôle de promotion du bien des enfants qui ne peut pas être occulté», a aussi tenu à souligner le souverain pontife. «Je souhaite que la gravité des scandales des abus, qui ont fait émerger les défaillances de beaucoup, serve à souligner l’importance de la protection des mineurs et des adultes vulnérables de la part de toute la société», a-t-il ajouté. François, qui effectue ce voyage en Irlande 39 ans après celui de Jean Paul II dans une société irlandaise en pleine sécularisation, a aussi encouragé la population à garder la foi.
Des contre-manifestations
Le Pape venu avant tout à Dublin clore la Rencontre mondiale des familles, événement triennal, a aussi rappelé que «la famille est le ciment de la société», un bien qui doit être «promu et protégé par tous les moyens». Il a aussi plaidé pour «une vraie famille des peuples», mise à mal notamment par «les maux persistants de la haine raciale et ethnique». Sa visite en Irlande doit durer deux jours. Samedi, il préside le Festival des familles, au stade Croke Park de Dublin, où sont attendues plus de 80.000 personnes, et célébrera dimanche la messe de clôture de l’évènement au parc Phoenix de Dublin. Un demi-million de fidèles devraient y participer.
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Son 24e voyage à l’étranger intervient à un moment particulièrement périlleux pour l’avenir même de l’Église catholique, ébranlée la semaine dernière par de sordides révélations d’abus sexuels anciens perpétrés aux États-Unis et marquée récemment par une série inédite de démissions de prélats soupçonnés d’omerta au Chili, en Australie et aux États-Unis.
En marge de la visite du souverain pontife, plusieurs contre-manifestations sont planifiées. Des milliers d’internautes irlandais ont appelé sur Facebook à «dire non au pape» en boycottant la messe de Phoenix Park, réservant des centaines de tickets qu’ils comptent ne pas utiliser. En parallèle, une marche se déroulera dans les rues de Dublin, jusqu’au «Jardin du souvenir». À Thuam, dans l’ouest du pays, une veillée aura lieu en mémoire des 796 bébés décédés, entre 1925 et 1961, dans l’ancien foyer catholique des sœurs du Bon Secours et qui avaient été enterrés dans une fosse commune.